Dans le flots des mauvaises nouvelles de 2020, l'image de Joe Biden et Kamala Harris vainqueurs de la présidentielle américaine après 4 jours de suspense sera sans doute la première bonne nouvelle de l'année, trop importante et rare pour être relativisée. Le monde entier était suspendu aux résultats d'une élection tant disputée et rocambolesque avec les frasques de Donald Trump qui tranchaient lourdement avec celles d'un candidat certes âgé mais dans lequel tous les espoirs d'une "America Great Again" étaient mis. Les premiers portraits sont nombreux dans la presse (cf. ci-dessous) car si des gros "Ouf" de soulagement et des pas de danse ont été nombreux tant aux Etats-Unis que dans le reste du monde, le plus dur reste à venir. Une Amérique en pleine pandémie et crise économique parfois isolée. Pourtant, 70 millions d'Américains (contre 74 millions pour son adversaire ont voté pour Donald Trump, signe que cette grande puissance a néanmoins connu des divisions qu'il faudra surmonter.
Au-delà de leur histoire personnelle, signe pour chacun d'un long parcours semé d'embûches, de quelques échecs et victoires, intéressons-nous au programme de Joe Biden et à sa politique internationale, notamment en Europe et au Moyen-Orient.
Quel est le programme de Joe Biden pour les quatre années à venir ?
Sur l'économie : aider les classes moyennes
L'une des principales promesses de campagne de Joe Biden est de développer une économie tournée vers les classes moyennes. Le démocrate souhaite notamment fixer le salaire minimum horaire à 15 dollars (contre 7,25 dollars actuellement) et revenir sur certaines réformes fiscales de l'administration Trump, détaillent Les Echos. Le taux d'imposition sur les revenus supérieurs à 400 000 dollars annuels passerait ainsi de 37 à 39,6% et le taux d'imposition moyen des entreprises, de 21 à 28%.
Pour relancer une économie affaiblie par la crise sanitaire, Joe Biden a par ailleurs promis 700 milliards de dollars pour soutenir la production américaine. Quelque 400 milliards serviraient à acheter des produits "made in USA" et 300 milliards seraient alloués à la recherche et au développement dans des secteurs aussi variés que "les véhicules électriques, (...) la 5G et l'intelligence artificielle", liste Vox*. Joe Biden estime que ce plan de relance permettrait de restaurer les millions d'emplois détruits durant la crise sanitaire et d'en créer 5 millions supplémentaires.
Sur l'environnement : développer les énergies vertes
La lutte contre le réchauffement climatique est devenue l'un des piliers de la campagne de Joe Biden. Reprenant une partie du "Green New Deal" de la représentante progressiste de l'Etat de New York Alexandria Ocasio-Cortez, le candidat démocrate a "verdi" ses propositions pour s'assurer le soutien des progressistes, pointe La Croix. Mi-juillet, il a ainsi promis un ambitieux plan d'investissement de 2 000 milliards de dollars sur quatre ans pour développer les transports électriques, financer la construction de bâtiments peu énergivores ou encore parvenir à la neutralité carbone dans le secteur de la production électrique d'ici 2035. Son projet initial prévoyait 1 700 milliards de dollars sur dix ans pour lutter contre le réchauffement climatique.
Selon le candidat démocrate, ces investissements massifs permettraient de créer plus de deux millions d'emplois dans le secteur des énergies vertes. Autre promesse à la symbolique forte de son plan pour le climat : dès son premier jour de mandat, les Etats-Unis joindraient à nouveau l'accord de Paris sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, que Donald Trump avait quitté en 2017.
Sur la santé : élargir l'accès à l'Assurance-maladie
Le candidat du parti démocrate n'a pas adopté la proposition de Bernie Sanders de créer une Sécurité sociale universelle financée par l'Etat fédéral. Mais il veut proposer une assurance santé publique accessible à tous les Américains et garantissant qu'ils ne paieront pas plus de 8,5% de leurs revenus mensuels pour bénéficier d'une couverture maladie, détaille Le Monde. Selon Reuters*, il compte également abaisser de 65 à 60 ans l'âge minimum pour bénéficier de la couverture santé pour les seniors, ce qui concernerait 20 millions d'Américains.
Joe Biden a également dévoilé des propositions pour faire face à la pandémie de Covid-19, alors que son opposant républicain est très critiqué pour sa réponse à la crise sanitaire. Selon la BBC*, le démocrate souhaite rendre les tests gratuits pour tous les Américains, créer une force de 100 000 agents pour identifier les cas-contacts et installer 10 centres de dépistage dans chaque Etat américain.
Sur les questions de société : réduire les inégalités
Pour lutter contre les disparités économiques et sociales entre les différentes communautés, le démocrate compte s'attaquer aux discriminations raciales au sein du système judiciaire et dans l'accès au logement. Joe Biden s'est opposé à l'idée de "définancer" la police, défendue par les militants du mouvement antiraciste Black Lives Matter après la mort de plusieurs Noirs aux mains des forces de l'ordre. En revanche, il se dit favorable au développement de programmes de santé publique et à l'accompagnement des jeunes, ainsi qu'à des investissements pour mieux former les policiers, note CNN*.
Sur le plan de l'éducation, Joe Biden propose de rendre l'université gratuite* pour les familles gagnant moins de 125 000 dollars par an. Cette mesure concernerait 90% des familles noires, latinas et amérindiennes, selon une estimation de son équipe citée par la radio publique NPR*. Joe Biden souhaite également effacer la dette des étudiants les plus modestes, généraliser l'accès à l'école maternelle et augmenter le financement des établissements scolaires situés dans les quartiers les plus défavorisés, énumère le Los Angeles Times*.
Sur l'immigration : détricoter la politique de Donald Trump
En 2016, Donald Trump a été élu sur la promesse d'un durcissement de la politique migratoire. Quatre ans plus tard, Joe Biden fait campagne sur la promesse de revenir sur la plupart des actions du républicain. Il compte ainsi "mettre immédiatement fin" à la politique "horrible" de séparation des enfants de migrants de leurs parents à la frontière avec le Mexique, indique Reuters. Il faciliterait la régularisation de 11 millions de "Dreamers", ces jeunes migrants arrivés illégalement aux Etats-Unis lorsqu'ils étaient enfants. Il supprimerait en outre l'interdiction d'entrée sur le territoire américain pour les ressortissants de certains pays musulmans et mettrait un terme à la construction du "mur" à la frontière avec le Mexique.
Sur le plan diplomatique : rendre aux Etats-Unis leur position de "leader"
Selon Joe Biden, Donald Trump a affaibli les Etats-Unis sur la scène internationale en adoptant une position isolationniste et belliqueuse. "Il a rabaissé, sapé et, dans certains cas, abandonné les alliés et partenaires des Etats-Unis", a dénoncé le démocrate dans le magazine Foreign Affairs*. L'ancien vice-président de Barack Obama entend donc rendre au pays sa "crédibilité", en renouant les liens avec ses alliés historiques et en relançant les discussions sur le nucléaire iranien, détaille le Financial Times*. En 2018, Donald Trump s'était retiré de l'accord négocié par son prédécesseur Barack Obama, instaurant de lourdes sanctions économiques contre Téhéran.
Arguant que la guerre commerciale avec la Chine fragilise l'économie américaine, Joe Biden compte s'appuyer sur la communauté internationale pour faire pression sur Pékin, note Reuters. Sous sa présidence, les Etats-Unis siégeraient à nouveau à l'OMS et participeraient à l'élaboration d'une réponse globale à la pandémie de Covid-19. Donald Trump avait annoncé le retrait de son pays de l'Organisation mondiale de la santé en juillet, accusant l'institution d'avoir tardé à réagir face à la crise sanitaire.
Si nous restons dans le domaine diplomatique, s'il est acquis que Les Etats-Unis réintégreront l'accord de Paris sur le climat et reprendront les négociations sur l'accord nucléaire avec l'Iran, Michel Duclos, ancien diplomate, avançait avant les élections la nécessité pour l'Europe d'être force de proposition pour revoir les relations transatlantiques. "La proposition que nous voudrions avancer dans cette note est que les Européens ne doivent pas se contenter d’attendre d’une future administration américaine des éléments de marche à suivre : à l’occasion de l’élection présidentielle du 3 novembre, quels qu’en soient les résultats, ils doivent prendre les devants et avancer leurs propres idées, voire leurs propres initiatives. Il leur appartient d’articuler une "offre stratégique" à la prochaine administration américaine."
Et si Obama malgré sa grandeur n'a pas brillé par ses initiatives au Moyen-Orient, il n'est pas sûr que Biden fera mieux "Au Proche-Orient, ses instincts seraient également classiques, avec moins de complaisance que Donald Trump à l’égard de l’Arabie saoudite et des aspects les plus contestables de Netanyahou, mais aussi une méfiance devant le recours à la force qui l’avait déjà caractérisé sous Obama (Syrie, Irak, Libye)."
Voir aussi : Rompre avec l'isolationnisme : le programme de Joe Biden, France Info, Brice Couturier, 29/01/2020
En attendant, l'ambiance est à la fête en Amérique et les premiers discours de Joe Biden et de Kamala Harris ont été prononcés cette nuit, apportant leur lot d'espoirs. Le plus dur est à venir ?
Les portraits de Joe Biden
Les portraits de Kamala Harris
L'héritage de Trump, les défis de Biden : pandémie et crise économique
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