Dans le concert de ceux qui imaginent le monde d'après, que ce soit des célébrités ou de simples citoyens plus ou moins avisés, je me suis toujours demandé ce que chacun pouvait retenir ou apprécier et selon quels critères. Ainsi, le même jour, Nicolas Hulot et Vincent Lindon ont fait part de leur recommandations. Sans dénigrer les propositions de Nicolas Hulot sur lesquelles j'aurai l'occasion de revenir bientôt, j'ai choisi de retenir aujourd'hui celles de l'acteur.
Dans un plaidoyer de près de 20 minutes lu et publié in extenso par Mediapart le 7 mai 2020, Vincent Lindon fustige le pouvoir en place et se demande "Comment ce pays si riche, la France, sixième économie du monde, a-t-il pu désosser ses hôpitaux jusqu’à devoir, pour éviter l’engorgement des services de réanimation, se résigner à se voir acculé à cette seule solution, utile certes, mais moyenâgeuse, le confinement ? Nous qui, au début des années 2000 encore, pouvions nous enorgueillir d’avoir le meilleur système de santé du monde". A y re-penser, c'est vrai que le confinement avait non seulement pour objectif de contrer la propagation du virus mais aussi d'éviter l'engorgement dramatique et ingérable des hôpitaux avec son cortège énorme de morts faute de soins.
Si certains pays comme la Corée du Sud ou Taiwan sont parvenus à éviter le confinement, celui-ci a été assez généralisé en Chine notamment et dans la plupart des pays européens. Même Boris Johnson qui ne voulait pas en entendre parler a dû s'y résigner pendant que Donald Trump soufflait au monde un remède miracle avec des injections de détol.
Vincent Lindon, absent des réseaux sociaux comme le souligne Mediapart, se définit comme "spécialiste en rien, intéressé par tout", souhaitant faire entendre"une voix simplement citoyenne". Il se pense "pas plus (légitime) qu'un autre sans doute, mais pas moins non plus, ayant pris soin de consulter nombre d'avis autorisés".
Il critique fortement le pouvoir de Macron, décrivant comme inopportune la diminution de 5€ de l'allocation logement, la mauvaise gestion de l'affaire des gilets jaunes à qui Macron a jeté 10 milliards pour finir par imposer l'article 49,3 afin de faire passer la loi sur la réforme des retraites. Dès le début des la pandémie et durant le confinement, s'est posée l'épineuse question des masques à la politique changeante et fluctuante en fonction des stocks ce qui n'arrange guère la confiance des français dans le gouvernement et ne fait qu'accroître l'angoisse du lendemain.
Alors, si comme Houellebeck on pense que le monde d'après sera comme celui d'avant mais en pire, la proposition de l'acteur peut sembler séduisante face à la crise qui nous attend, le chômage et la paupérisation d'une frange croissante de la population. Ainsi, Vincent Lindon suggère, comme le résume France Info, d'instaurer une"contribution exceptionnelle, baptisée 'Jean Valjean'": elle serait financée par les patrimoines français de plus de 10 millions d'euros,"à travers une taxe progressive de 1 % à 5 %, avec une franchise pour les premiers 10 millions d’euros". Le produit serait distribué"aux quelque 21,4 millions de foyers trop pauvres pour être assujettis à l’impôt sur le revenu". Il ne "doute pas un instant que les plus riches de nos concitoyens se réjouiront de l’occasion ainsi offerte de montrer leur patriotisme et leur générosité".
Je me prends alors à rêver : et si cette proposition était appliquée ? Si pour une fois tout ce que propose un citoyen jouissant d'une certaine notoriété pouvait faire avancer le schmilblick en étant appliqué, peut-on garder espoir et foi en notre avenir et gouvernants ou sommes-nous condamnés à subir les conséquences ruineuses de ce confinement ?
© Ibrahim Chalhoub AFP
Les français ou migrants ou sans-abris les plus pauvres (on dit les plus "démunis" aujourd'hui) seront-ils comme la majorité des libanais dans les souks populaires de Tripoli, la capitale du Liban-Nord, où la vie continue comme si la pandémie n’existait pas. « Dans tous les cas, on va mourir, si ce n’est pas du coronavirus, ce sera de la pauvreté. » selon l'Orient-Le-Jour du 9 avril 2020. Il faut savoir que d'après les derniers chiffres, au Liban, plus de la moitié de la population est passée sous le seuil de pauvreté et la colère a pris le pas sur le confinement à travers plusieurs manifestations qui ont éclaté début mai, à Saïda, au sud du pays, Tripoli ou Beyrouth comme le relate France-Culture le 4 mai 2020. Là-bas, les plus riches sont les nantis au pouvoir ayant "volé" les millions destinés à reconstruire le pays. Pas sûr qu'ils soient disposés à rembourser ni même prompts à payer une taxe quelconque. C'est donc le régime de la double peine pour l'instant. Un avenir sans éclaircie en apparence mais peuplé de révoltes et malgré tout empreint d'espoir que tous les corrompus céderont le pas face à la colère de tout un peuple. Espérons qu'ils auront raison de tant d'injustices.
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